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Photo du rédacteurArthur Genre

Entretien avec Cristina De Middel

Dernière mise à jour : 11 sept.


Salon VIP de Paris Photo 2016


Ça fait 1 an et demi que je réalise un doctorat. Ce n’était pas prévu, j’ai repris mes études 15 ans après avoir obtenu mon Master; Mais ça s’est imposé à moi car cela recoupait de nombreuses préoccupations que je développe en tant qu’artiste et directeur artistique du Cosmos Arles Books.

On est tous d’accord pour dire que le phénomène de l’édition de Photobook a pris une forte ampleur depuis 15ans, mais il existe malgré tout peu d’écrits universitaires, de textes théoriques pour analyser ce phénomène et lui donner une place dans la champ des pratiques artistiques.

C’est pour quoi j’ai entrepris une série de conversations pour lesquelles j’ai invité un certain nombre d’acteurs du Photobook à me faire part de leur point de vue sur la question. Ces entretiens serviront peut-être de matière première pour mon doctorat et peut-être pour les chercheurs dans le futur.

Pour moi, ce qui s’est passé avec la sortie du livre The Photobook , An history (Phaidon, 2004) est un phénomène assez complexe sur lequel je voudrais m’attarder pour envisager la question du Photobook en interaction avec le numérique.

Badger et Parr on décrit un phénomène qui n’existait pas avant qu’ils ne le décrivent, une sorte de prévision créatrice. Ils parlent d’un objet du 20ème siècle appartenant à un corpus qui n’avait que peu été identifié jusqu’alors. Il existe très peu d’écrit sur le Photobooks avant les années 2000. la plupart des livres qu’ils mentionnent sont purement fonctionnels et n’ont même pas d’intention de projet. Pou moi, grâce aux achats en ligne, aux réseaux sociaux et la circulation des informations, ils ont pu revendiquer une histoire qui n’était pas revendiquée jusqu’alors, même par ses propres auteurs.

Il s’agit là aussi d’un phénomène évoqué dès les années 60 par Marshall MacLuhan : l’arrivée d’une nouvelle technologie est souvent l’occasion de redéfinir la technologie qui la précède.

Cristina de Middel, tu es photographe, tu viens du reportage de presse mais tes travaux les plus récents te font naviguer entre le registre documentaire et la fiction. Tu proposes un grand nombre d’expériences souvent inatendues entre ces deux registres. Récemment tu as réalisé un travail de fiction autour d’un groupe indien de fans de Charlie Chaplin, où se mêlaient également des références aux Schtroumpfs et à la culture prolétarienne. J’ai souvenir également d’une ligne de vêtements que tu as réalisé il y a quelques années.

Pour moi, tu es une des photographes contemporaines les plus prolifiques, en terme de projets d’exposition et de publications. J’ai le sentiment que tu as a su répondre à de multiples solicitations et que tu as sur en tirer une force pour alimenter ta création, plutôt que de t’en éloigner, comme c’est souvent le risque avec le succès.

Je dois aussi évoquer The Afronauts (Self-published, 2012) qui reste un des plus énormes succès de l’édition photographique contemporaine. Le livre symbolise le succès de l’auto-publication de ces 10 dernières années, avec une reconnaissance immédiate, un effet de communication mondial, et une spéculation qui a atteint des niveaux inattendus. Il s’agit d’un projet qui a été maîtrisé par son auteur de bout en bout, et qui a su tirer parti des technologies numériques. Voici le fil conducteur de ce que je souhaiterais évoquer avec toi.

Tout d’abord, peux-tu me dire comment et quand tu as commencé à t’intéresser aux livres de photographies?

CDM

je me suis intéressé au livre en général, dès lors que j’ai appris à lire.

J’ai toujours collectionné des livres et apprécié l’objet livre. j’interviens sur tous les livres que je lis en les griffonant, même sur les romans, je note mes impressions comme pour mémoriser les choses. je ne peux pas m’en défaire.

Je me suis vraiment intéressé livre de photo quand j’ai eu la chance, l’opportunité et surtout la nécessité de raconter une histoire avec des images. J’avais un budget, une équipe composée de Laia Abril et Ramon Pez, j’ai réalisé à ce moment là que ça me plaisait. Mais je n’étais pas une experte en livre photo, je n’en possédais que 3 ou 4, tout au plus, …, un de Magnum, un de Diane Arbus. Je me souviens lorsque j’étudiais aux États-Unis, une professeur m’a fait acheter un livre de Nick Wappligton, Other Edens (Aperture, 1994), … et mon chien l’a mangé. Donc je n’étais même pas soigneuse avec les livres photos, en plus je les trouvais ennuyants, ils ressemblaient pour moi trop à des catalogues de photographies.


OC

L’idée du livre comme contenant de photographies ne t’intéressait pas plus que ça?

CDM

Non, j’ai toujours aimé l’idée d’un livre qui apportant une couche supplémentaire à ta façon de raconter l’histoire. Cela peut venir par la sélection du papier, par le choix du format, même par le prix ou par l’odeur. Si tu es une personne, créative, tu ajoute au réel quelque chose qui découle de ta pensée.


OC

As-tu un souvenir d’un livre en particulier qui t’ai marqué?

CDM

Des romans, oui ! Je pense au livre de Julio Cortazar, Rayuela (= La Marelle, Pantheon Books, 1963). C’est une histoire où tous les chapitres sont mélangés, ça se passe à Paris, c’est une histoire d’amour et tu peux choisir de la lire dans n’importe quel sens.



Je ne suis pas une experte en livre photo, sauf en livres contemporains du moment où je me suis mise à faire des livres.

D’ailleurs, quand on a réalisé The Afronauts, on avait très peu de références. J’avais en tête le livre de Christian Patterson, Redheaded Peckerwood (Mack Books 2012), j’adorais la manière dont il réalisé les inserts. C’est le premier livre et le seul que l’on avait comme référence.












OC

Comment s’est établi la collaboration avec Ramon Pez et Laia Abril pour The Afronauts?

CDM

Nous étions très bons amis et Laia m’a aidé à éditer mon livre, je l’ai aidée plus tard à éditer son livre Thinspiration (Selfpublished, 2013). Ramon Pez était le partenaire de Laia. J’avais besoin d’un designer, il travaillait pour Colors magazine. Je lui demandé si il était intéressé, il avait plein d’idées. Il avait déjà réalisé des livres mais pas de livres photos. C’était une nouveauté pour nous tous, et ce qui en a fait un objet très expérimental. Je crois que ça a été une des clés du succès, car nous n’avions aucune référence, aucune prétention. Mais c’est une formule difficile à répéter.


OC

Ce livre a été fait en 2012, il n’y a pas si longtemps que ça, et pourtant on a l’impression que la vague d’auto-publication qui l’a accompagné et qui a fait exploser le phénomène a déjà une portée historique.

Comment as-tu vécu cette explosion de l’auto-publication?

CDM

Mon livre est paru au moment où il y avait une crise dans les grandes maisons d’édition. Elles commençaient à avoir du mal à publier, de nombreux photographes partaient des journaux car ils n’étaient plus payés ou se faisaient virer.

En Espagne, les gens ont commencé à prendre les rênes de leur travail et surtout du résultat final du travail, une sorte d’auto-gestion. cela a créé une grand vague d’optimisme chez les auteurs, et je me suis trouvé au point parfait de cette vague, j’étais la mieux positionné sur cette vague sans même le savoir.

C’est une vague qui dure depuis pas mal de temps, mais elle est quand même devenu beaucoup plus petite et il y a plein de surfers.


OC

J’ai l’impression que cela se dégonfle un peu en terme d’énergie et de surprise, mais que l’auto-publication est devenu quasiment le passage obligé pour tout jeune auteur.

CDM

Je ne pense pas que la qualité de la création ait diminué, la meilleure finalité possible pour n’importe quel photographe doit l’emmener vers le livre. l’exposition, une fois réalisée, on la ramasse, on la stocke ou on la détruit et ça s’arrête là.

On a ajouté avec le livre une étape quasi-obligatoire dans le processus de création artistique.

Mais en ce qui concerne la spéculation, la course à la nouveauté, les dizaines de listes des meilleurs livres, tout ça est en train de diminuer.


OC

Penses-tu que ce succès là avec ce projet aurait pu se réaliser à une autre époque?

CDM

Non, je ne crois pas. Je pense qu’il y avait vraiment un alignement des étoiles. Et surtout j’étais dans une dynamique personnelle où je n’avais rien à perdre autant professionnellement que personnellement.

Je travaillais comme photo-journaliste depuis dix ans, je venais d’apprendre que mon petit ami me trompait, c’était vraiment un moment dans ma vie où je me sentais en chute libre.

Cela m’est arrivé plusieurs fois dans ma vie, et c’est quelque choses qui m’a été bénéfique au niveau de la création. Je crois que c’est quand tu n’as plus rien à perdre que tu prends les décisions les plus honnêtes, qui répondent à ce que tu veux vraiment.


OC

J’ai l’impression que quand ce succès est arrivé, tu as profité à fond derrière de toutes les proposions que tu as pu avoir..

CDM

Ça vient du photo-journalisme, où plus ton travail est vu, plus tu peux évaluer ta réussite. Le summum pour un photo-journaliste est de faire la couverture du new-York Times. j’ai eu beaucoup de propositions auxquelles j’ai répondu favorablement, le plus de monde pouvait être au courant de mon histoire, le mieux c’était pour moi. Je ne sais pas si ma stratégie était la bonne, mais ça a été ma réponse la plus naturelle. Je venais juste de me remettre d’une déception et j’étais remplie d’une énergie incroyable.

Si je devais refaire The Afronauts maintenant, je suis sûre que ce serait différent.


OC

J’ai toujours en tête l’histoire de Jeff Wall, qui a enseigné pendant de nombreuses années, et qui s’est engagé dans la photographie bien après. cela me laisse penser qu’il a peut-être eu besoin d’une longue période préparatoire pour assumer tout ce qu’il lui est arrivé par la suite, et que chacun inscrit sa pratique dans son propre rythme.

CDM

Je ne sais pas si je vais continuer à faire des livres de photo ou de la photographie toute ma vie parce que je m’ennuie très rapidement. Je fonctionne avec des cycles très intenses et je ne sais pas du tout si je vais tenir plus de 15 ans. je suis sûre qu’avant ça, je vais trouver autre chose.


OC

Cela m’amène à la question des réseaux sociaux et de l’immédiateté de la communication.

Ne sommes-nous pas les sujets de phénomènes qui nous poussent à adopter un rythme qui nous dépasse? Sommes-nous dans la même posture que Chaplin face à la mécanisation du travail dans Les temps modernes?

CDM

Il y a un rythme certes, mais tu peux choisir de monter ou redescendre..

J’utilise les réseaux sociaux à minima désormais, peut-être car je suis dans une position où je n’ai pas besoin de faire de la promotion.

Mais par contre, il y a quatre ans, si il n’y avait pas eu les réseaux sociaux, The Afronauts n’aurait jamais été connu. j’ai tout vendu par e-mail et à travers un blog (afronauts.com), sur lequel j’ai posté des images du projet. J’ai réalisé la pré-vente d’une édition spéciale de 30 exemplaires avec un tirage, avant que le livre ne soit publié. Le prix était de 100€, il s’agissait de récupérer un budget pour pouvoir imprimer l’édition. Tout est parti très vite, juste par les réseaux sociaux. À l’époque, j’avais 5000 amis virtuels sur Facebook, maintenant j’ai une page professionnelle avec plus de 10.000 followers et une équipe qui travaille sur la stratégie de la partie professionnelle. J’ai du séparer les réseaux privés des réseaux professionnels quand ça a commencé à devenir un peu n’importe quoi. Je recevais des messages de gens dont je n’avais jamais entendu parler et qui me parlaient comme si nous étions réellement amis.

Je pense néanmoins que l’usage que je faisais des réseaux sociaux a beaucoup changé. Au début, j’étais beaucoup plus naive et je montrais beaucoup plus ma vie privé. Maintenant, il y a plus de professionnalisation, ce qui est également plus ennuyeux.


OC

Pour rester sur la question du numérique, quelle est ta relation à l’ordinateur au niveau de la conception des projets?

CDM

Je fais tout à l’ordinateur, je n’ai presque aucun lien avec l’objet physique.

Sur l’ordinateur, je fais l’Editing, le design, la conception jusqu’au PDF envoyé à l’imprimeur. Je me déplace d’ailleurs très rarement chez l’imprimeur, souvent par manque de temps, c’est une étape que je confie au designer.

J’ai une très grande foi en l’ordinateur, j’ai plus de confiance en l’ordinateur qu’au papier.


OC

Comment d’après toi cela influence la forme des livres?

CDM

Quand je discute avec les designers des choix de couverture par exemple, je fais directement un croquis sur photoshop que je transmets par mail. Il s’agit vraiment d’une communication visuelle à travers les réseaux. C’est comme si c’était un meeting, mais par Messenger ou par mail.

Et à la fin, je n’ai jamais été déçu par la traduction à postériori vers l’objet physique.


OC

Ne rencontres-tu pas des problèmes de fidélité des couleurs?

CDM

Déjà je ne vois pas bien du toutes les couleurs. Du fait que j’ai toujours consommé les couleurs à travers l’écran, je n’ai pas vraiment l’oeil éduqué. C’est pour ça qu’il vaut mieux que je ne me déplace pas chez l’imprimeur;


OC

C’est curieux car dans tes livres, on ne ressent pas de problème à ce niveau là, le parti pris a l’air plutôt maîtrisé.

CDM

Car tout est préparé de façon homogène sur l’écran. Je rencontre des problèmes avec les petites nuances alors j’ai tendance à plutôt désaturer les couleurs ou à choisir une couleur dominante très marquée.

C’est important car je contrôle tout le processus, je fais même la pré-production et mes fichiers vont directement en presse.


OC

J’enseigne aussi la photographie, et au niveau de la transmission des connaissances en colorimétrie, il y a une crainte chez les pédagogues que l’accès direct à la couleur sur écran fasse perdre aux nouvelles générations la connaissance des nuances colorimétriques.

Chez toi, j’ai le sentiment, que c’est un faux problème.

CDM

ce n’est pas comme si j’avais perdu cette sensibilité, en fait je ne l’ai jamais eue. Mais je pense que cela dépend aussi de la manière de travailler de chacun; il y des photographes qui vont être hyper précis avec les détails, qui ne vont travailler qu’avec un seul imprimeur ou une seule marque de papier.

Je viens du photo-journalime où doit être fait très vite, je ne suis pas éduquée à être exagérément précise. Pour moi j’attache beaucoup plus d’importance au travail sur la séquence et sur le cadrage. Et j’ai toujours eu la chance de travailler avec des gens qui ont cette expérience de la couleur et qui ont ont peut-être su traduire mes intentions.


OC

Pour toi, l’influence majeure du numérique sur l’édition, se situe t-elle plutôt au niveau du contenu, du design, du processus d’impression, de la variété des formes de livres, de diffusion ou de la distribution?

CDM

D’abord au niveau du contenu car ça laisse la possibilité de faire tes propres recherches sans déplacer, trouver des intérêts que tu ne soupçonnais pas avant; il y a cette navigation tangentielle sur Internet qui te permet de te déplacer dans toutes les directions et de parfois tomber sur des histoires inattendus. C’est comme ça que j’ai découvert l’histoire de The Afronauts. Aussi, au niveau des archives, tu peux trouver des documents avec une amplitude incroyable; par exemple, si tu as besoin de l’image d’une autopsie, avant, il t’aurait fallu demander une autorisation pour accéder à l’institut légal de ta ville. Maintenant tu tapes sur google : Autopsie + Elvis Presley et tu trouves tous les stéréotypes des images d’autopsie. Au niveau de la recherche de contenu, pour moi, Google image est fondamental. Lorsque je travaille avec des concepts précis, je me pré-figure des rendus visuels qui sont parfois éloignés des documents que je trouve. Cela me permets de corriger mes propres erreurs d’appréciation.

Au niveau de la distribution, le numérique a aussi tout changé. C’est ce qui a permis l’auto-publication, l’autogestion, et qui permet une gestion économique stable et durable. Si je ne pouvais pas vendre des livres en direct par le biais de mon site, je perdrais de l’argent à chaque fois que je ferai des livres. Et j’ai de la chance car je vends tous mes livres.


OC

La difficulté pour certains auteurs, dont je fais parti, c’est de faire des livres mais de ne tirer que très peu de bénéfices des ventes, contrairement à l’idée que l’on peut se faire.

CDM

Tout à fait ! Si tu comptes aussi que l’éditeur ou l’auto-éditeur doit donner 40% aux libraires ou 70% à un distributeur, plus le transport, plus les livres abîmés, plus les frais, il ne reste plus grand chose à la fin.


OC

C’est aussi ce qui explique le succès de foires ou des événements de distribution comme Cosmos ou Offprint, qui permettent aux auteurs ou aux éditeurs de vendre leurs livres directement au public, sans intermédiaire.

Pour les livres que tu réalises en tant qu’auteur mais que tu n’édites pas toi-même, tu négocies avec l’éditeur de pouvoir vendre directement une partie des livres?

CDM

J’essaie maintenant en priorité de faire mes propres livres, mais cela reste un gros investissement. J’ai ouvert ma propre maison d’édition, My book is true, pour pouvoir contrôler mieux les choses.

Quand je publie un livre avec une autre maison d’édition, ils me donnent 10% des livres. Par exemple, pour le livre This is What Hatred Did (Editorial RM et AMC books, 2015), j’ai du me rendre trois fois au Nigéria, rien que le visa coûte 500 euros à chaque fois, plus rester là-bas, plus produire une série, etc. Cela représente presque deux ans de travail avec un investissement de 6000 euros. D’accord je peux vendre des tirages, mais ce n’est pas non plus évident. La seule manière avec laquelle je peux reprendre un peu de tout cet investissement, c’est en vendant ces 10% de livres.

Si je dois donner 40% ou 70% à des gens qui n’on rien investi dans le projet, autant les donner directement à l’UNICEF, ou à des causes qui me tiennent à coeur.


OC

Pour moi, un des phénomènes les plus importants emmenés par le numérique sur l’édition, c’est le court-circuitage de tous les champs d’activité. Entre le photograveur, l’opérateur Offset, les conducteurs de presse, les typographes, les correcteurs, les relieurs, etc. … on a le sentiment que tout a été englouti par une seule et même personne sur un ordinateur.

Cette personne peut tout à fait être l’auteur du projet dans le cas de l’auto-publication. Et pour le coup, il est tout à fait logique que ce court-circuitage aille jusqu’à la distribution.

C’est curieux, car cela donne le sentiment que la technologie des années 2000 a favorisé la réalisation d’un idéal de livre d’artiste totalement contrôlé par son auteur, tel qu’il était exprimé dans les années 60 par des artistes comme Edward Ruscha. C’est une des hypothèses sous-jacente sur laquelle je travaille dans le cadre de ma recherche.

CDM

C’est une évolution logique qui vient d’une nécessité de s’exprimer pleinement dans la créativité. Pourquoi laisser la dernière étape entre les mains de quelqu’un qui vient tout juste de comprendre ton projet, si tenté qu’il le comprenne, et qui a clairement un objectif commercial ?

Pour arriver à un point où le business peut permettre de soutenir les projets, il faut arriver à créer un réseau de distribution individuel.


OC

J’ai l’impression que ton expérience du photo-journalisme te sert dans la construction de ton mode opératoire.

On m’a toujours dit qu’avec les journaux, si tu envoies plusieurs images, ils choisiront toujours celle que tu aimes le moins, … donc autant n’envoyer qu’une image pour être sûr de ne pas être déçu de confier à quelqu’un d’autre l’ultime étape du travail.

Pour conclure, penses-tu que le livre numérique sous sa forme immatérielle, peut-il trouver une place dans le champ de l’édition?

CDM

Oui. Absolument. D’ailleurs pour moi c’est une des champs que j’aimerais explorer.

Ce que vous avez mis en place avec le Cosmos PDF Award, est une idée extraordinaire. Car avec les formats purement numériques, tu peux réellement jouer avec le design et créer des formes impossibles.


OC

Nous avons aussi créé cette année une plateforme numérique, chevaldigital.com, dédiée entièrement aux publications à visualiser sur format écran

CDM

C’est curieux, car les publications numériques ont semblé se développer très rapidement, puis cela s’est essoufflé tout aussi rapidement.

Je pense que les auteurs n’en ont pas vraiment exploré tout le potentiel. peut-être que c’est venu pour les photographes au même moment où a explosé aussi le livre physique.


OC

Je pense que certain éditeurs ont voulu simplement calquer la structure, l’apparence et même le nom du livre. Ils s’imaginaient que cela allait peut-être démultiplier les rentrées d’argent et apporter une solution à la crise, mais ça a plutôt créé une confusion chez les lecteurs, et un business plan ridicule entre les investissements technologiques et les bénéfices.

CDM

C’est là où ça peut devenir une plateforme intéressante pour les artistes. Si il n’y a plus d’enjeux économiques autour de ça, alors ça limite la contamination. Car l’industrie du Photobook est contaminé maintenant avec la spéculation, le coût de la signature, etc.

C’est pareil pour le photo-journalisme, si l’on arrive à trouver des système accessibles à tout le monde et sans vocation commerciale, avec un coût de production réduit au minimum, peut-être qu’il y a là la place pour une forme de renouveau.


OC

En 2012, david Campany s’étonnait que le terme Photobook n’apparaissait dans aucune étude avant les années 2000, alors qu’il est censé décrire un phénomène du 20ème siècle.

Es-tu d’accord si je dis que le numérique a contribué à une nouvelle histoire du livre de photographie qui commencerait après les années 2000?

CDM

Je n’ai commencé qu’en 2012, donc je ne saurais pas te répondre de manière sûre.

Pour ce qui est du terme Photobook, ce doit être à cause du hashtag, la nécessité de créer un terme simple et identifiable pour le plus grand nombre. Il y a ce professeur, Philip Zimmermann qui a fait une chronologie de l’évolution des termes pour parler des livre contenant des photographies.

je l’ai rencontré à Rochester et il m’a aussi montré un livre incroyable de 1975 : Cover to cover de Michael Snow. Ce n’est pas un livre qui m’a influencé, malheureusement, mais j’aurais aimé le découvrir avant…

Si j’avais eu ce livre, j’aurais commencé à faire des Photobooks à 3 ans.

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